XANTHOS (archéologie)

XANTHOS (archéologie)
XANTHOS (archéologie)

Xanthos (en lycien Arnna ), ville antique de Lycie, est située à 8 kilomètres de la côte sud de l’Asie Mineure; elle commande le débouché du fleuve Xanthe vers la plaine côtière. Détruite à l’extrême fin de l’Antiquité, elle fut redécouverte entre 1838 et 1844 par l’Anglais Charles Fellows, qui y pratiqua les premières fouilles, y reconnut des monuments conservés sur toute leur hauteur et transporta au Musée britannique de Londres statues et reliefs qui font de la collection lycienne une des plus importantes du musée.

Entre 1880 et 1910 lui succédèrent des savants autrichiens (O. Benndorf, G. Niemann) qui s’intéressèrent particulièrement aux inscriptions (en lycien et en grec), mais aussi au «Pilier inscrit» et au «Monument des Néréides».

Les fouilles françaises (P. Demargne, H. Metzger) y commencèrent en 1950; elles furent, à partir de 1962, étendues au sanctuaire du Létôon, plus proche de la mer, sur l’autre rive du fleuve (H. Metzger, Ch. Le Roy). Avec celles de Claros en Ionie, ce sont les fouilles françaises les plus importantes de Turquie. Comme d’autres en Lycie, province riche en sites relativement bien conservés, elles sont capitales pour la découverte et l’étude d’une civilisation «périphérique». Xanthos est un site indigène (par la race, la langue issue d’un dialecte hittite, le louvite) qui, pendant deux siècles (environ 540-333), fera partie de l’empire perse: le satrape de Sardes représente le Grand Roi; le dynaste local, souvent perse de race, imite volontiers celui-ci, tout en restant assez indépendant. L’influence grecque, de l’Ionie, des îles, puis de l’Attique, s’y exerce de bonne heure, y prévaut dès les VIe et Ve siècles. À partir du IVe siècle, puis à l’âge hellénistique, la Lycie est hellénisée, comme le seront l’une après l’autre les diverses provinces de l’Asie Mineure.

La période archaïque

Histoire

Une première phase précède la conquête perse. Homère, dans L’Iliade , puis Hérodote évoquent les origines lyciennes des héros fondateurs: Homère mentionne le Xanthe tourbillonnant, le gras pays de sa vallée, Bellérophon venu de Corinthe en Lycie, Sarpédon qui commanda les Lyciens alliés de Troie et mourut dans cette guerre; Hérodote nous dit l’indépendance de la Lycie, jusqu’à la conquête perse, et raconte la destruction de Xanthos par Harpage, général de Cyrus (entre 546 et 538).

Une seconde phase nous mène de cette conquête aux premières entreprises athéniennes sur cette côte (vers 470). Xanthos et la Lycie appartiennent à la première satrapie (Sardes), 50 navires lyciens, commandés par Kybernis (sans doute dynaste de Xanthos), participent du côté perse à la bataille de Salamine, tout cela d’après Hérodote.

Archéologie

Aucune trace de l’Âge du bronze n’a été trouvée. Les fouilles de l’acropole ont révélé, pour la première phase archaïque, quelques restes de bâtiments (une résidence dynastique?), avec les plus anciennes trouvailles céramiques, locales, mais aussi grecques à partir de la fin du VIIIe siècle, subgéométriques, cycladiques, rhodiennes, milésiennes. À ces premiers apports venus essentiellement de la Grèce de l’Est, ionienne et insulaire, s’ajoutèrent, dès 575-560, les premières importations de vases attiques. Celles-ci deviennent prédominantes dans la seconde phase archaïque, et nous avons, à Xanthos, le plus important dépôt de la céramique à figures noires pour toute l’Asie Mineure. On voit que la suzeraineté perse est loin de nuire au commerce grec. Sur l’acropole, dont le rempart doit remonter à cette époque, des bâtiments sont reconstruits après l’incendie d’Harpage: une nouvelle résidence (?), des magasins, un temple à trois cellae parallèles, de type oriental. Dans le même temps apparaissent les premiers piliers funéraires: au sommet d’un monolithe haut de 3,65 (Lion) à 5,43 mètres (Harpyies), lui-même reposant sur une base massive, la chambre funéraire entourée de dalles décorées de reliefs est coiffée d’une dalle-couvercle à degrés débordants; nous ignorons encore l’origine de ce type architectural: l’iconographie du décor est orientale ou indigène, mais avec une évidente parenté avec le style archaïque grec ; ainsi le pilier au Lion glorifie les hauts faits du dynaste vers 540: lion contre taureau; homme contre lion; scène guerrière; sur une dalle isolée apparaissent un combat de lutteurs, un joueur de cithare. Par contre, à l’extrême fin de cette période, le pilier dit des Harpyies (en fait, des sirènes emportant les âmes des morts, thème eschatologique grec) a son décor traité avec une élégance très ionienne: le dynaste et ses proches recevant offrandes et armes. Au Létôon, des sondages montrent que le sanctuaire dépendant de Xanthos remonte au moins au VIe siècle.

Première période classique (de 470 environ à 400)

Histoire

Après les guerres médiques, les entreprises athéniennes de la côte Sud de l’Asie Mineure (victoire de l’Eurymédon) entraînent l’appartenance des villes lyciennes (y compris Xanthos) à la ligue athénienne entre 470 et 440 probablement. Mais le pilier inscrit (cf. infra ) porte une grande inscription lycienne, commémorant certainement des événements historiques, au temps de la guerre du Péloponnèse, de 430 à 413-412, et probablement plus tard (mention d’Artaxerxès III, roi en 405, événements mentionnés par Thucydide). Cette inscription et les douze vers grecs qui la résument attestent que le dynaste de Xanthos participa à la lutte contre Athènes, revanche de l’Eurymédon. Les noms de dynastes mentionnés, Kheriga (Gergis en grec), Kher 復i, Arbinas, se retrouvent sur les monnaies. Nous sommes d’ailleurs au temps où les divinités lyciennes sont assimilées aux grecques (Zeus, Apollon, Artémis, Athéna, celle-ci au droit des monnaies, avec la tête du dynaste au revers).

Archéologie

Après un incendie qui ravagea à nouveau l’acropole (vers 470?), les bâtiments y sont reconstruits, très ruinés aujourd’hui: résidence, second temple (d’Artémis?). Surtout, plusieurs édifices (au toit en double pente ou en terrasse), qualifiés d’hérôa (funéraires?), sont, vers 470-450, décorés de reliefs divers (par exemple, la procession du dynaste en char) dont le style prolonge souvent l’archaïsme (comme il arrive dans les régions périphériques), à côté d’éléments procédant des styles sévère et classique de la Grèce. Il en est de même dans la seconde moitié du Ve siècle avec le sarcophage aux lions et taureau, et le pilier inscrit qui combine des traits orientaux (avant-trains de taureaux à la base de la frise) à des scènes de bataille décorant celle-ci et marquées par l’influence grecque. Les hauts faits du dynaste vainqueur y sont célébrés, tandis que sa statue assise couronnait le pilier en plein ciel (thème eschatologique?). Au Létôon, un batiment à salle hypostyle attesterait l’influence iranienne (Persépolis).

Seconde période classique (de 400 environ à la conquête d’Alexandre, 334-333)

Histoire

Comme les autres villes lyciennes, Xanthos est restée relativement indépendante et même participe à la révolte des satrapes contre le Grand Roi: une mention du satrape Autophradatès figure sur le sarcophage de Payava. Le dynaste Arbinas, dont le nom apparaît sur plusieurs inscriptions du Létôon, semble, au début du siècle, avoir joué un rôle important et s’être entouré de Grecs. L’inscription trilingue du Létôon atteste qu’en 358 Xanthos tomba au pouvoir du dynaste et satrape carien Pixodaros, frère de Mausole. Les institutions se rapprochent de celles des villes hellénistiques (assemblée), mais sous le pouvoir du satrape et l’autorité plus ou moins lointaine du Grand Roi (dont le nom figure sur le texte araméen de l’inscription trilingue). Les divinités grecques s’affirment: la triade apollinienne dans la même inscription (en lycien et en grec). Les inscriptions lyciennes et grecques se multiplient; les monnaies frappées à Xanthos doivent être nombreuses.

Archéologie

Comme les autres villes lyciennes, Xanthos connaît alors une grande activité de constructions funéraires (religieuses au Létôon): c’est une phase tout particulièrement hellénisante. Le monument des Néréides (tombe d’Arbinas?), vers 390-380, est un manifeste éclatant de cette hellénisation. Un petit temple péristyle ionique, avec quatre couchettes funéraires dans la cella, remplace les piliers ou sarcophages des précédents dynastes. Une des façades a pu être restituée sur nos plans au Musée britannique. Le décor est un des plus riches de l’art antique; l’influence grecque est très marquée dans l’iconographie comme dans le style. Deux frises sur le soubassement dont l’une imite les Amazonomachies, l’autre évoque des combats à l’orientale, mais dans une forme grecque. Les Néréides du péristyle, comme les enlèvements des acrotères, affirment les croyances eschatologiques du dynaste, sous la figure de Pélée élevé au rang de dieu par Thétis. Ce monument servira de modèle au mausolée d’Halicarnasse. De grands sarcophages, ceux de Payava, de Merehi, celui dit des danseuses, appartiennent aux décennies suivantes. Le décor maintient une iconographie orientale à côté de thèmes grecs, dans un style grec particulièrement brillant. Au Létôon, Arbinas fait construire les premiers temples de la triade apollinienne.

De l’âge hellénistique à l’époque impériale, jusqu’à la poussée arabe

Histoire

Conquise par Alexandre (334-333), Xanthos – comme toute la Lycie – passe au pouvoir de ses successeurs, les Lagides, puis les Séleucides. En 168, la Lycie obtient de Rome sa liberté, et Xanthos occupe une place très importante dans la ligue lycienne typique des organisations fédérales. En 43 après J.-C., sous Claude, elle appartient à la province impériale de Lycie-Pamphylie et y demeure dans l’Empire romain, puis byzantin, jusqu’aux attaques arabes du VIIe siècle; Xanthos survécut quelque temps au-delà. Elle fut le siège d’un évêché. Le lycien a depuis longtemps disparu, au moins comme langue écrite; les inscriptions grecques encore relativement rares à l’époque hellénistique sont très nombreuses à l’époque impériale, surtout au Létôon. On remarque le même phénomène pour les monnaies particulièrement nombreuses à l’époque impériale.

Archéologie

Xanthos n’a pas encore été systématiquement explorée pour ces époques. Depuis le IIIe siècle, au temps des Ptolémées, elle est comprise dans un nouveau rempart qui l’agrandit singulièrement avec une nouvelle acropole. Seuls quelques ensembles ou trouvailles isolées ont été reconnus: un théâtre romain précédé sans doute d’un théâtre hellénistique, voisin d’une grande agora, un arc de triomphe en l’honneur de Vespasien. Le Bas-Empire et l’empire chrétien introduisent de nouveaux monuments: sur l’ancienne acropole, des mosaïques du Ve siècle appartiennent peut-être à une résidence civile ou épiscopale; dans l’est de la ville, une grande basilique décorée de fresques et de mosaïques témoigne de la vie du site à l’époque paléochrétienne et byzantine, mais aussi d’une réoccupation aux Xe et XIe siècles. Mais la ville nous échappe encore. Au Létôon, deux périodes apparaissent riches de renouvellements architecturaux: le IIe siècle avant notre ère, qui voit reconstruire les temples de la triade apollinienne; le IIe siècle après notre ère, avec un grand nymphée. Enfin, une grande basilique (ou monastère) est contemporaine des derniers temps du site.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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